Eléonore Weber et Patricia Allio Natural Beauty Museum

[Théâtre]

Le XXe siècle a produit nombre de musées imaginaires – espaces physiques ou productions mentales, inventant des modèles alternatifs à l’espace d’exposition traditionnel. Avec le Natural Beauty Museum, Patricia Allio et Éléonore Weber formulent une contre-utopie scénique, où l’espace muséal est chargé de présences réelles et virtuelles, diffractant la place de la nature dans notre imaginaire. À l’intérieur de ce « musée de la beauté naturelle » – où l’art aurait disparu au profit du paysage –, les acteurs/visiteurs arpentent des salles qui semblent étrangement vides et paisibles. Au cours de la visite, des invités apparaissent, des dispositifs interactifs s’enclenchent – outils d’intensification des émotions, panoramas tactiles, générateur de description de paysages… Au fil de cette exploration fantaisiste, des témoignages et des interventions viennent peu à peu creuser les contradictions, déréglant la logique de ravissement à l’œuvre dans la contemplation de la nature : la « pastorale » dissimule une inquiétante étrangeté, une sorte de trouble qui affecte tous les niveaux de la perception. Avec ce musée spéculaire et spéculatif, Allio & Weber poursuivent leur entreprise documentaire et critique. Traquant les symptômes de l’époque, elles les retournent, puis en font des propositions performatives, mettant en scène (et en crise) la logique du discours normatif, sa structure, ses impensés. Natural Beauty Museum revisite notre relation à la norme du beau et notre besoin de sublime, en s’attachant à un nouveau symptôme que les deux auteures metteures en scène ont appelé le « syndrome du paysage », et dont nous sommes tous un peu atteints.