Luigi Nono // Karl Amadeus Hartmann // Bruno Maderna Como una ola de fuerza y luz...

[Musique]

Ce concert regroupe trois œuvres symphoniques majeures, aux exécutions rares. Lors d’un voyage en Amérique du Sud, en mai 1971, Luigi Nono fait la connaissance de Luciano Cruz, membre du Mouvement de la gauche révolutionnaire. La personnalité de cet étudiant en médecine et son action concrète auprès des ouvriers, des paysans et des intellectuels l’enthousiasment. Mais en septembre, sa mort non élucidée suscite l’émotion jusque chez Salvador Allende. Como una ola de fuerza y luz (Comme un fleuve de force et de clarté) est l’épitaphe de Cruz : une voix incantatoire, un piano radical et l’orchestre, éruptif, en une longue marche, rendent hommage à cet « exemple d’audace, de responsabilité et de liberté ». La même année, le 4 septembre exactement, Bruno Maderna (1920-1973) dirige en Iran la création de Ausstrahlung (Rayonnement), sur des textes mystiques et poétiques d’Inde et de Perse.
De Maderna, dont il fut l’élève et l’ami, Nono admirait l’intelligence « toujours ouverte à ces espaces où la musique, les nouveaux moyens technico-expressifs et les nouvelles méthodes s’interpénètrent, résolument, dans la mesure où l’homme vit en tant que sujet dans notre temps, toujours tendu vers l’homme ». Ainsi, Ausstrahlung est comme une prière universelle par laquelle l’homme se relie à ses semblables. « Une grandeur et une généreuse humanité faisaient vibrer chez Karl Amadeus Hartmann sa musique comme chaque acte de sa vie », écrit aussi Nono, proche de ce compositeur soucieux, dès les années 1920, de changer le monde responsable des horreurs de la Première Guerre mondiale. Mais l’histoire devait se répéter et la nuit nazie contraignit Hartmann (1905-1963) à l’exil intérieur. L’Adagio pour grand orchestre, composé en 1945-46, fut créé en 1950. Hartmann sort alors d’un silence rigoureux, ayant interdit toute exécution de ses œuvres sous le Troisième Reich. S’il s’était perfectionné auprès de Webern, sa musique ne cherche pas la dissémination de la texture orchestrale, mais un impact massif, qui fait songer à un style prédominant dans les années 1930, aux dissonances expressives. Dans cet Adagio, les grands clusters atonaux de l’introduction font surgir une ligne mélodique qui n’est pas sans rappeler Ravel.