Sylvain Creuzevault ANGELUS NOVUS

AntiFaust

[Théâtre]

Faust est né d’une organisation féodale de la société en un être porteur d’un savoir encyclopédique : théologie, philosophie, droit, médecine, botanique, astronomie… Le mythe du savoir universel et déceptif mène son personnage vers la mélancolie qui pour s’en distraire ferraille avec le Diable.
Mais que devient le mythe de Faust dans une société productrice de marchandises, à la division sociale du travail si raffinée ? La valeur marchande fait du savoir un pouvoir, et une solitude ; c’est la marchandise n°1, loin devant les armes à feu.
Peut-on dès lors découvrir un territoire, construire un lieu, une commune, où l’usage d’un savoir ne s’achève ni en amertume ni en corruption ? Nous écrivons une pièce qui veut répondre oui quand tout lui démontre que non.
Dans le mythe, le Pacte permet à Faust de devenir tout ce qu’il n’est pas. Nous le renverserons, puisqu’au contraire aujourd’hui le capital faustien nous somme (sommer) de ne rester que ce que nous sommes (être). « Deviens toi-même » n’est pas seulement une publicité pour l’Armée de terre française, c’est aussi la meilleure voie vers la subordination. « Tiens-TOI tranquille », slogan rationnel des gouvernements des peuples et de soi.
Nous manquons de démons, ces « autres-de-nous ». Ils nous manquent. Les temps en sont vides. Les Idoles sont partout, la guerre entre leurs grimaces. Dans leurs plis, l’insoutenable silence des Démons. Le nôtre n’est pas Méphistophélès, nous le nommons Baal, Seigneur des mouches.
Il s’agit d’écrire un Faust contre son propre mythe, un AntiFaust, et de donner le titre de la pièce à son démon, un Angelus Novus. C’est un éloge du pire visiteur du soir, notre locataire qui ne paie même pas son loyer, et nous dit être « une partie de cette force qui, éternellement, veut le mal, et qui, éternellement, accomplit le bien. »

Sylvain Creuzevault