Toshiki Okada Time’s Journey Through a Room

[Théâtre]

Présentées en Europe depuis une dizaine d’années, les œuvres de Toshiki Okada se distinguent par un prodigieux croisement de matériaux : écriture emplie du langage familier de la jeunesse japonaise, chorégraphie irrévérencieuse, jeu anti-illustratif, travail sonore écartelé entre bruit et place du silence… Dans une explosion de sens, tout cela nous propulse bien loin du théâtre feutré, devant des tableaux de notre contemporanéité aussi drôles que cinglants.
Time’s Journey Through a Room dresse celui de la douleur sourde née dans les cercles concentriques post-traumatiques de Fukushima. La pièce met en scène un troublant trio : le fantôme d’une femme, décédée en caressant l’espoir que la catastrophe nucléaire soulèverait un nouvel élan sociopolitique, son mari resté en vie, qui se confronte à la réalité, et l’amante actuelle de l’homme. Les subtilités des sensibilités de chacun se décèlent dans un foisonnement de détails. Pour éclairer ces innombrables microfissures, profondément personnelles, enfouies dans l’onde de choc de la collision sismique, Okada attire l’attention sur le moindre frémissement de corps, l’infime flottement d’âme. Un ingénieux dispositif d’extension des mouvements corporels par le son, inventé avec Tsuyoshi Hisakado, irrigue une représentation précise des états psychologiques, tout en laissant au public une liberté totale d’imagination. Par ce mixage sonore inédit des mots, des mouvements et d’enregistrements de terrain, Okada revisite totalement la relation entre le son, le corps, la langue et l’espace. Il signe de nouveau un travail extrême, où tout se joue à la seconde.