Rebecca Saunders / Mark Andre / Hans Abrahamsen Tre små Nocturner / S1 / Fletch

[Musique]

Un concert aux couleurs contrastées.
Si le sde l’énigmatique titre S1 de Mark Andre fait allusion à l’allemand Schwelle, le seuil, mais aussi au S-Bahn (le RER de Berlin), l’oeuvre décrit un voyage musical à travers des situations qui se dissipent, s’éteignent, sans laisser de traces, et induit une « petite méditation métaphysique » sur la disparition, où résonne l’injonction biblique Noli me tangere.
Dans les Tre små nocturner (Trois Petits Nocturnes), entre timbres frêles, anamorphose de tango et languissante berceuse, Hans Abrahamsen associe des cordes diaphanes et les accents prégnants de l’accordéon. Air revisite une oeuvre ancienne pour ce même instrument, Canzone. La sillonner à nouveau comme si elle n’appartenait plus à son créateur, et après avoir oublié les règles qui avaient présidé à son écriture, c’est en donner une toute autre version, dans la distance, et y scruter le polissage des ans, l’illusion de la permanence et du temps qui passe.
À la blancheur d’Abrahamsen répondent les couleurs de Rebecca Saunders, et surtout un rouge intense, évoquant les théories humorales d’antan. Choler se réfère en effet à la bile mêlée de sang et à la capacité qu’on prêta longtemps aux humeurs de déterminer les qualités physiques et mentales de chacun. Aussi l’oeuvre fait-elle montre d’un tempérament bilieux, d’une colère, d’une irascibilité,qu’expriment de soudaines éruptions d’accords entrecoupés de silences. Comme dans Fletch, dont le titre rappelle la plume stabilisant la flèche de l’archer, Rebecca Saunders accorde au son, d’une intense présence, une densité, une énergie, un corps.