Helmut Lachenmann Nun pour flûte, trombone, orchestre et voix d’hommes

[Musique]

Dans son opéra La Petite Fille aux allumettes, au moment où l’héroïne du conte d’Andersen s’éteignait dans le froid et l’indifférence, Helmut Lachenmann laissait s’élever une lancinante sonorité de sho, l’orgue à bouche japonais. Celui-ci semblait retenir le temps, le suspendre, et éveiller une transcendance. Nun (Maintenant) creuse un sillon analogue, celui d’une œuvre comme entrée dans le son, découvrant horizons et situations : un somptueux champ de souffles, de vibrations et de battements orchestraux, avec flûte et trombone obligés. Huit voix d’hommes déploient phonèmes et mots de l’interrogation (comment, où…), avant d’énoncer une thèse du philosophe japonais Nishida Kitaro : « Le moi n’est pas une chose, mais un lieu ». Dans une ultime coda, ils décomposent le terme musique : Mu-sik, mettant en évidence la nécessité d’une négation radicale et du vide – mu, disent précisément, au Japon, les maîtres zen.
L’essentielle lenteur de Nun se retrouve dans les harmonies, les thèmes héroïques et les développements majestueux de la Troisième Symphonie qu’Anton Bruckner dédia à Richard Wagner. Offrande, adoration et foi : nous y sommes à l’écoute d’une hauteur tout alpine et de massifs accidentés transformant cette cérémonie où les cuivres, selon Helmut Lachenmann, ressemblent à un poumon surhumain, en acte d’hommage et de contemplation.