John Cage Études australes

[Musique]

L’exécution des Études australes, d’une durée de près de quatre heures, rend hommage à la dernière apparition à Paris de la compagnie Merce Cunningham, pour laquelle John Cage, pendant près de cinquante ans, aura composé deux pièces par an.
Une même passion pour les ressources du hasard liait le chorégraphe et le musicien. Dès les années 1940, John Cage voulait laisser parler les sons eux-mêmes, les disposer et non les composer : « Est-ce que les sons sont juste des sons, ou est-ce qu’ils sont
du Beethoven ? ».
Sa réponse est célèbre – cadrer des situations sonores plutôt que céder à l’hystérie expressive de la musique européenne et sa fascination pour l’histoire. Mais Cage remarque aussi dans les années 1970 : « Je ne suis pas un puriste zen, je suis à l’origine un Américain protestant : je veux faire des choses ». Il revient à cette époque à la notation traditionnelle, toujours pliée à son désir de laisser des zones que l’interprète doit investir, et au piano non préparé. Les Études australes sont conçues comme un duo pour deux mains absolument indépendantes et qui ne doivent jamais s’entraider : l’une se repose parfois, alors que l’autre s’échine sur des accords complexes (Cage calcule par exemple qu’il existe 546 possibilités d’accords à cinq notes…).
La place des objets fut déduite d’un grand atlas qui représentait les étoiles vues de l’hémisphère sud et leur enchaînement, du I Ching (Le Livre des oracles), dorénavant intégré dans un logiciel. Mais c’est le pianiste qui choisit sa vitesse de lecture et toutes les dynamiques. Les croisements de mains sont infernaux – la virtuosité diabolique de ces études est un éloge de l’effort et de la vertu du travail.