Anton Tchekhov / Julie Brochen La Cerisaie

d’Anton Tchekhov

[Théâtre]

En 1994, Julie Brochen signait, avec La Cagnotte d’Eugène Labiche, une mise en scène aux accents lyriques. Ce fut la pièce inaugurale de la compagnie Les Compagnons de Jeu. Lorsqu’en juillet 2008, la comédienne et metteur en scène fut nommée à la direction du Théâtre National de Strasbourg, elle décidait, à quinze ans de distance, de reconstituer ce même vaudeville, avec la quasi-totalité des acteurs d’autrefois. Elle témoignait, par ce geste symbolique, de son attachement à la notion de troupe et à la question des origines.
C’est une nouvelle fois le problème de l’héritage, identitaire et artistique, que Julie Brochen aborde avec La Cerisaie, pièce qu’Anton Tchekhov achève juste avant de mourir en 1904. Elle connaît bien l’auteur pour avoir suivi, au début de sa carrière, l’enseignement des acteurs et spécialistes de Tchekhov Alexandre Kaliaguine et Anastasia Vertinskaia, et pour avoir proposé, en 2005, une mise en scène d’Oncle Vania. Elle sait ainsi que La Cerisaie, ce drame ultime, souvent qualifié de « testamentaire », le dramaturge l’envisageait avant tout comme une comédie.
Cette tension apparente est contenue, dans la pièce, dans un paysage : une blanche et lumineuse cerisaie. C’est là, à l’endroit où mourut son enfant, que revient Lioubov, après cinq ans d’exil en France. Lieu de convoitise et de fête, ce jardin à la beauté improductive est aussi lieu de deuil et de ruine pour cette aristocratie russe telle que la peint Tchekhov : sourde aux avertissements des marchands comme au grondement de la modernité, au loin.