Peter Stein I Demoni

de Fedor Dostoïevski

[Théâtre]

Monstre sacré du théâtre européen, Peter Stein fait son retour au Festival d’Automne, seize ans après y avoir présenté L’Orestie d’Eschyle, et presque trente-cinq ans après y avoir fait ses débuts, en 1976, avec Les Estivants. Et après Gorki, puis Tchekhov, c’est à un autre monument de la littérature russe que l’ancien directeur de la Schaubühne de Berlin a aujourd’hui choisi de s’attaquer. Peter Stein a lui-même réalisé l’adaptation du roman de Dostoïevski, dont il a tiré un spectacle-fleuve de près de douze heures, créé en mai 2009 dans le théâtre de sa propriété de San Pancrazio, en Ombrie. Un spectacle qui témoigne de son art magistral de la direction d’acteurs : allant et venant entre la salle et le plateau, entre une noirceur insondable et un humour désabusé, entre douceur et cruauté, ils sont ici près de trente (parmi lesquels Maddalena Crippa, son épouse), parfois guidés par le metteur en scène lui-même, s’adressant au spectateur pendant les changements et les pauses. Un spectacle qui, par son intensité et sa dimension paradoxalement cinématographique, manifeste une foi éperdue en la puissance du théâtre, et sa capacité à alerter, voire à altérer le monde. Car ces Démons dépeints par Dostoïevski, tous ces êtres qui « se cherchent sans jamais se rencontrer », ne sont pas seulement les enfants et les jouets d’une société sans foi ni valeurs, aveuglée par l’idéologie : ils sont également, aux yeux de Peter Stein, autant de symptômes de notre modernité « matérialiste, rationnelle, nihiliste, prête à douter de tout ».