Rodrigo García C’est comme ça et me faites pas chier

[Théâtre]

Le projet corrosif de Rodrigo García, metteur en scène hispano-argentin connu pour ses invectives poétiques, est tout entier contenu dans le nom de sa compagnie. Le Carniceria Teatro (La Boucherie-Théâtre), basée à Madrid, entend démembrer les moindres préceptes de la dramaturgie traditionnelle à l’aide d’un ustensile dont elle a la maîtrise : un plateau proche de la performance, où les corps, alertes, jouent leur propre sidération face au monde contemporain. Contre un théâtre capitonné, « mort, avec des textes morts, pour un public mort, sans âme » qui abdique, selon Rodrigo García, devant un spectaculaire marchand, une logique publicitaire et un star system pornographe, il impose depuis 1989 un discours nerveux et des chairs à vif.
Moins éruptif et plus intimiste que ses manifestes Et balancez mes cendres sur Mickey (2007) ou Versus (2009), sa nouvelle création, C’est comme ça et me faites pas chier, s’empare de l’élément fondamental de la dramaturgie occidentale : la parole. Dans cette ode au langage, qui mêle pensées philosophiques et description des fresques de Masaccio, l’acteur Melchior Derouet endosse les heurts des mots pour révéler leur inaptitude puissante, tragique à saisir le réel. Face aux spectateurs qui, comme souvent chez Rodrigo García, sont moins sensibilisés que responsabilisés, Rodrigo García réactive la figure ancestrale du voyant capable de guider les individus entre de nouveaux leurres, produits en masse.