Portrait Marlene Monteiro Freitas

Artiste protéifome, Marlene Monteiro Freitas présente pour la première fois un large ensemble de pièces, performances et installation dans le cadre du Portrait du Festival d’Automne. L’occasion de se plonger dans un univers singulier, musical autant que chorégraphique, né de son imagination débordante. Et la créatrice de nous promettre du choc et de la libération d’énergie, « une matière nouvelle et hybridée ». Les mille et une « vies » de Marlene Monteiro Freitas en résumé.

 

Qu’est-ce que ce Portrait du Festival d’Automne représente pour vous ?
La possibilité de faire aboutir un hybride, comme une « compression » d’une matière plus habituée à des espace-temps vastes et ouverts. Résultat de cette tension entre cadre et contenu, des éléments plus ou moins étrangers (se) dialogueront, se toucheront, se glisseront les uns sur les autres. Il y aura donc du choc et de la libération d’énergie, une matière nouvelle et hybridée. Plis, torsions, superpositions, envahisse-ments, étranglements seront les couleurs possibles d’un portrait mobile, mutable qui aimerait se placer là où veut être le regard du public.

 

On y découvrira di érentes formes scéniques. Est-ce toutes vos facettes ?
Je n’ai jamais pensé ce programme comme un miroir dans lequel on découvre mon reflet, ni une anthologie de mon travail. C’est un autre regard rendu possible par la présentation d’un certain nombre de pièces dans un temps condensé. J’espère que l’intérêt du public se portera sur la singularité et l’intensité de l’expérience.

 

La musique tient une part très importante dans votre travail. Comment l’envisagez-vous ? Vient-elle indépendamment de la création, en amont, à part ?
Elle peut surgir de façon inattendue, indépendante. Ou comme le résultat d’une recherche en amont, voire pendant le processus de création en relation avec le travail. Quand on est sensible au son ou à la musique, le parcours entre l’audition et les états, les émotions, est presque instantané. Elle est une source d’inspiration mais peut également avoir une force dramaturgique incroyable. Pour moi, elle doit agir au même titre qu’un performeur et, du coup, elle est pensée, traitée, travaillée dans cette perspective.

 

Peut-on dire que le grotesque est très présent dans votre approche ?
Le public est libre de se projeter dans l’œuvre comme il le veut. S’il voit du grotesque, aucun problème. Bien que certains éléments de mes pièces puissent paraître peu plausibles, ils ont souvent un enracinement direct, concret avec le texte de base ou le thème de la pièce. C’est le cas avec Pierrot lunaire ou Bacchantes – prélude pour une purge. Bien sûr si le thème est né de mon imagination, le jeu est plus libre. Mais il y a quand même toujours une recherche préliminaire autour de la thématique à partir de laquelle un certain nombre d’éléments trouveront leur chemin jusqu’à la pièce.

 

Dans nombre de vos créations, les performeurs sont maquillés ou masqués. Est-ce pour cacher, révéler, suggérer ?
Le maquillage, au même titre que les autres éléments d’une pièce, musique, son, costumes, lumière, es-pace, objets, renforce la construction d’une fiction. Le théâtre est un lieu fictionnel, à mon avis. La disparition d’une couleur est aussi importante que le mouvement d’un regard, d’un bras, qu’une descente de volume de musique, qu’une chute de lumière, qu’un déchirement de costume, etc. Elle est souvent transformée soit par la transpiration, soit par l’addition des nouvelles couches ou traits pendant le spectacle.

 

Vous donnez une série de pièces où vous êtes en scène (idiota) ou accompagnée de musiciens (Guintche – live version). Que représente pour vous cette présence au plateau ?
Surtout un désir car j’aime beaucoup danser. Je ne crois pas que je sois essentielle au plateau pour que le travail aboutisse mais j’aime bien danser les choses que j’écris. Les spectacles sont presque des gymnases où l’on entraîne le muscle de l’imagination, et un muscle travaillé gagne de la flexibilité, de la force et de l’ampleur dans le mouvement. Souvent je sors de la scène avec un double sentiment : d’une part il y a l’étonnement d’avoir pu rester enfermée dans une salle, quelques heures durant, à partager un monde imaginaire et, d’autre part de la gratitude pour la danse partagée à deux, entre le public et les performeurs.

 

Que recherchez-vous chez une ou un interprète ?
La curiosité, le désir, une culture de travail compatible avec la mienne. S’embarquer individuellement ou collectivement sur un projet n’est pas toujours simple. Et ces qualités mentionnées sont les premières conditions pour que l’ouvrage se développe. Le talent, les aptitudes créatives et artistiques sont très importantes mais elles sont aussi entraînées, développées au cours du processus de travail et de l’expérience de la scène. Après, il faut également de la confiance dans l’autre, laisser de l’espace à l’inconscient, à l’inexplicable, à l’irrationnel pour tous les membres de l’équipe. Un partage sensible doit être possible et approfondi.

  

Propos recueillis par Philippe Noisette 


Le Portrait Marlene Monteiro Freitas est présenté dans le cadre de la Saison France-Portugal 2022.