Jean-Pierre Vincent Woyzeck

[Théâtre]

Une pièce chimère
On le sait : Woyzeck n'a jamais été achevé. Nous conservons quatre manuscrits, de longueur et d'importance diverse. Parti à la poursuite d'une écriture laconique qui correspondait à la modernité de ses personnages, Büchner cherchait l'expression minimum. Il cherchait aussi à faire une tragédie exemplaire à partir de personnages et de situations qu'on n'avait jamais jugés dignes de cet honneur. Il cherchait à ce que cette tragédie n'ennoblisse pas les comportements. Pas de lyrisme, pas de mélodrame, donc. Ses manuscrits griffonnés sont à l'image de cette recherche.
Durant longtemps, on a cherché une mise en ordre logique de ces fragments. Aujourd'hui, on semble plus tentés de leur laisser leur progression désordonnée. L'art moderne s'accommode bien de ces ébauches non finies, répétitives débouchant sur des trous noirs. Nous supposons que cette question va traverser notre travail de part en part, jusqu'aux ultimes répétitions. Ce que nous voudrions, au jour d'aujourd'hui, c'est raconter, cette histoire, cette série de micro-évènements et de laisser continuellement affleurer la nature inachevée, provisoire de cette écriture. Durant les années 20, le jeune Brecht disait que cette écriture n'était pas inachevée, que son inachèvement était une finition, que l'aventure artistique face à un tel sujet avait trouvé cette forme-là et pas d'autres.

Jean-Pierre Vincent