Luigi Nono // Helmut Lachenmann // Clara Iannotta Omaggio a György Kurtág ...

[Musique]

Dès leur première rencontre, pourtant brève, en 1978, György Kurtág et Luigi Nono se lient d’amitié. L’un et l’autre s’adressent bientôt une œuvre en hommage. Ne pas se satisfaire du son en soi, mais renouveler toujours la manière de l’inventer et de le laisser vibrer : voilà la leçon que Luigi Nono dit avoir apprise de la musique de son ami hongrois. Et s’il le tient pour l’héritier de Bartók, c’est en raison de leur commune « anxiété pour l’inconnu ». Aussi, dans l’Omaggio a György Kurtág de Nono, les sons ténus, gorgés de silences, miroités par l’électronique, et dont il est souvent délicat de distinguer la provenance, attestent-ils la magie d’une fusion.
En 1958, Helmut Lachenmann se rend à Venise, pour étudier auprès de Nono. « Chercher sa voie dans le dialogue avec Nono, cela voulait dire, dans différents sens du terme, être exposé : exposé au sein d’un espace inhabituel, vertigineux ». Là, ce que d’illusoires traditions tiennent pour acquis est dépouillé de tout a priori et mis en crise, comme les règles d’un jeu désormais usé. C’est à cette condition seulement que le musicien atteint une qualité autre et se libère de ses « crampes mentales ». L’inventivité labyrinthique des Concertini de Lachenmann témoigne de ce que Nono louait, en vers poétiques, chez celui qui fut l’un de ses très rares élèves : « D’autant plus de ruptures aventureuses et téméraires / dans les océans ouverts / à travers les abîmes de l’imagination / et les espaces stellaires / à dé-voiler ou ré-véler ». Indissociable du geste de l’instrumentiste qui le produit et du silence dont il émerge, le son atteint dans l’œuvre de Clara Iannotta une dimension existentielle, énergique, voire théâtrale : « La musique, à mon avis, doit être vécue aussi à travers les yeux ». Au cours du dernier hiver, à Berlin, Clara Iannotta lit de courts recueils de la poétesse irlandaise Dorothy Molloy (1942-2004) et y retrouve cette insistance sur la présence physique. Leurs vers, à la composition organique, racontent avec lucidité et cynisme la traversée d’une maladie. Intent on ResurrectionSpring or Some Such Thing s’inscrit dans leur aura.