Olga Neuwirth Le Encantadas o le avventure nel mare delle meraviglie

[Musique]

En 2012, dans The Outcast, un musicstallation-theater avec vidéo, Olga Neuwirth s’inscrivait déjà dans le sillage de Herman Melville.
Le Encantadas o le avventure nel mare delle meraviglie s’inspire à présent des « îles enchantées », les Galapagos, que l’écrivain américain décrit dans dix « esquisses » philosophiques publiées en 1854 : de ces terres volcaniques et désolées du Pacifique s’élève une méditation sur les tortues, la solitude, la puissance de la nature, l’étendue infinie de la mer, la découverte de l’archipel, la vie cruelle et désespérée de ceux qui tentent de l’habiter… Melville fut ici le premier à exprimer qu’il n’y a plus ni expansion ni évasion possibles, donc plus d’Amérique utopique. Aussi l’œuvre envisage-t-elle le remplacement de l’espace réel par un environnement dynamique, pour une « hyper-architecture du désir ».
Le voyage à la recherche d’une mer insondable entraîne alors Olga Neuwirth à Venise, où elle a vécu pendant plusieurs années. Le dialogue de la lagune et de l’architecture y résonne certes à Saint-Marc, dont l’acoustique inspira bien des compositeurs depuis les Gabrieli et Monteverdi. Mais entre la basilique et l’Arsenal s’élève aussi l’église San Lorenzo, autre centre musical de la Renaissance, rattachée à un monastère bénédictin où l’on enterra Marco Polo. Prometeo de Luigi Nono y fut créé en 1984. Renzo Piano construisit pour la circonstance une arche en bois au centre de laquelle le public prenait place. Or, le délabrement de l’église a depuis contraint les autorités à la fermeture de ses portes. Après avoir assisté au Prometeo, Olga Neuwirth la visita pourtant, en 1997 et récemment encore, fascinée par son espace, ses réverbérations claires, ses bruissements, ses murmures, ses craquements et les hurlements qui lui parviennent de l’extérieur, « comme un bateau sur la mer ». Et elle envisagea d’en préserver l’acoustique, recréée électroniquement dans la salle de concert.
Le monde des Encantadas se fait de la sorte labyrinthe, archipel, où la musique s’immisce dans les vides et les brèches d’espaces virtuels. « Une “arche des rêves” voyageant à travers l’espace et le temps, d’une île à l’autre, et sur les mers agitées ». Pourquoi ? « Parce que ce n’est pas un hasard si Thomas More situait déjà son utopie sur une île qui, baignée par la mer, était la quintessence de l’isolement et de la déliaison. Un lieu, certes, mais dont l’existence est inconnue, qui n’est pas encore découvert et qui n’est inscrit sur aucune carte » (O. N.).