Kurô Tanino Avidya – L’Auberge de l’obscurité

[Théâtre]

Automne crépusculaire. Au cœur des montagnes du Japon et de leurs sources thermales, dans une auberge dédiée aux bains traditionnels, deux marionnettistes arrivés de Tokyo attendent le propriétaire pour présenter leur spectacle. Si lui n’arrive pas, les villageois, quant à eux, intrigués par ce curieux duo, père nain, fils au visage impassible, comme masqué, s’infiltrent dans la maison pour les rencontrer. Peu à peu, dans les vapeurs fiévreuses, les langues se délient, les esprits s’agitent, les désirs s’insinuent, les voix affleurent, les destins se déroulent. Il est dit que l’auberge Avidya a le sien tout tracé. Comblée de souvenirs et d’objets, depuis fort longtemps chérie des villageois qui en ont fait un havre de paix et de guérison, elle est pourtant condamnée à la démolition pour laisser place à une nouvelle ligne de chemin de fer. Dans ce huis-clos cinétique, servi par un plateau rotatif dévoilant successivement les pièces de l’auberge, c’est la fin d’un monde qui nous est donnée à voir, et le spectacle des êtres qui la vivent dans le déni, le rejet du contact avec la vérité nue. « Avidya » désigne l’illusion, ou l’aveuglement, premier des nidanas que dénombre le bouddhisme, les douze maillons de la dépendance, incidemment causes de souffrance.
Kurô Tanino, artiste très remarqué au Japon, pour la première fois en France, nous offre ici un voyage dans le ventre de nos désirs, aux confins des non-dits. C’est aussi un hommage au Japon profond de ses ancêtres, délicatement porté par la voix de la narratrice qui enveloppe le conte de ses accents d’émotion.