DV8 JOHN

[Danse]

En anglais, DV8 se lit deviate, c’est-à-dire : « dévier ». Dévier de la norme, c’est ce que fait très tôt John, le personnage de la pièce. Enfance chaotique dans les quartiers populaires du nord de l’Angleterre, drogue, délinquance, prison : sa vie défile sur scène comme un roman sombrement ordinaire. Pour le trouver, Lloyd Newson, lui-même fils d’ouvrier, a réalisé pas moins de cinquante entretiens avec des hommes venus lui parler de sexe, d’amour et, indirectement, de leurs fêlures.
Franc-tireur à la frontière entre danse et théâtre, Lloyd Newson s’est forgé une place à part au Royaume-Uni et sur la scène internationale. Depuis To Be Straight With You (2007), autour de la tolérance, et Can We Talk About This? (2011), qui s’attaquait sans fard à la question de l’Islam radical, l’ancien étudiant en sociologie et psychologie, qui préfère depuis toujours au formalisme un travail documentaire minutieux, manie l’entretien comme matériau central. JOHN, la dernière pièce du triptyque, passe du général au particulier, et pose la question du sens à trouver dans le parcours d’un seul homme.
De mots en mouvements, Lloyd Newson tisse pour l’occasion un portrait au plus près du réel. Ses interprètes, acteurs autant que danseurs, s’approprient l’intonation, la gestuelle de personnages bien vivants, et les font dialoguer avec une danse en quête de signification. Théâtre hybride ou docufiction pour la scène, JOHN rend à son anti-héros une voix humaine, trop humaine, à la fois âpre et poignante, qui résonne dans toute sa véracité.