Lucinda Childs Early Works

[Danse]

Art de l’incarnation singulière, la danse repose sans cesse les conditions de sa transmission. Comment avoir accès, aujourd’hui, à des œuvres produites il y a plus de cinquante ans – redonner vie à des gestes, les exposer à travers d’autres corps ? Pour cette programmation exceptionnelle consacrée à l’œuvre de Lucinda Childs, le CND Centre national de la danse, La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers, la MC93 et le Festival d’Automne à Paris présentent un large ensemble allant des premières pièces créées à la Judson Church dans les années 1960 jusqu’à Description (of a description) datant de 2000 – solo encore interprété par Lucinda Childs aujourd’hui.

L’ouverture au CND, en plein air, au bord du canal de l’Ourcq, sera l’occasion de redécouvrir le quatuor Radial Courses (1976), dont la structure circulaire et la syntaxe élémentaire, faite de marche, de courses et de sauts, pose les bases du style minimaliste. Comme en écho, deux solos issus de Dance (1979), réunis sous forme de duo, permettront d’envisager la continuité de ce langage chorégraphique revenant aux sources du mouvement.

Au CND, le travail de reconstitution mené par Lucinda Childs avec sa nièce Ruth Childs nous plonge dans un saisissant flashback. À la frontière de la danse et de la performance, ces pièces rappellent toute la radicalité du geste postmoderne – entre refus du spectaculaire et élargissement du champ d’action de la danse à travers l’utilisation des gestes du quotidien. La première, Pastime – une intrigante sculpture chorégraphique où le corps, contraint par un tissu, explore les jeux de surface et de volume permis par cette enveloppe –, sera exceptionnellement reprise par Mathilde Monnier, directrice du CND Centre national de la danse. Carnation est une pièce emblématique de la danse postmoderne, qui dans la simplicité de ses effets et sa force plastique a ouvert la voie à de nombreux danseurs et performers contemporains. Dans ce ready-made chorégraphique, Lucinda Childs procède à une déconstruction méthodique de son image à l’aide d’objets issus de la vie quotidienne comme des éponges ou des bigoudis. Museum Piece, enfin, réalise le fantasme de se situer à l’intérieur d’un tableau pour le décrire, le spatialiser et jouer de tous les décalages perceptifs entre discours, peinture et danse. Trente ans plus tard, elle revient à cet usage critique du langage dans le solo Description (of a description), conçu sur un texte de Susan Sontag.

Dans un troisième temps, La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers présentera Katema, Reclining Rondo et Interior Drama, trois pièces des années 1970 qui forment un véritable laboratoire minimaliste, où la répétition des mêmes motifs suivant différentes formations géométriques produit une obsédante combinatoire de gestes et de rythmes. Ce programme sera également l’occasion de redécouvrir son Concerto de 1993, sur le concerto pour clavecin de Henryk Górecki, qui marque le début d’une exploration de la musique contemporaine accompagnée par la claveciniste Elisabeth Chojnacka.