Romeo Castellucci Go down, Moses

[Théâtre]

Romeo Castellucci a toujours été habité par Moïse, par l’itinéraire, le rôle et les visions de ce « pilier de notre culture ». Porté par les tables de la Loi, le prophète fut une des figures récurrentes de la Tragedia Endogonidia. Dans Go down, Moses, son personnage passe en quelque sorte derrière les épisodes de sa propre vie. Ceux qui, projetés dans l’actualité présente, permettent au metteur en scène de travailler sur l’archéologie des formes, leur permanence. Ceux de son abandon, bébé, sur le Nil, du mystère du buisson ardent, de ses quarante jours sur le Sinaï ou de sa descente avec les tables de la Loi. Il ne les a pas traités selon la chronologie, mais dans une série d’allers et retours dans le temps, non sans bifurcations imprévisibles, via des scènes qu’il a voulues « non décodables ».
Romeo Castellucci poursuit sa réflexion sur l’image à travers l’antagonisme de deux d’entre elles : celle du veau d’or et celle du buisson ardent, « ce feu qui brûle sans rien brûler, sans objet ». Deux faces d’une même pièce, où un culte, une culture, est au revers de l’autre. À l’une son poids d’or et la consommation, à l’autre sa spiritualité et la consumation. Go down, Moses renvoie bien sûr aussi au fameux spiritual. Lorsque les esclaves afro-américains rêvaient leur propre émancipation comme une autre sortie d’Egypte. L’injonction divine à Moïse s’adresse enfin à nous-mêmes, pour peu que nous soyons, dit le metteur en scène, « exilés de notre être ».