Nadia Beugré L’Homme rare

[Danse]

Abordant frontalement les assignations de genre, sabotant les catégories du masculin et féminin en faisant se déhancher cinq hommes nus, L’Homme rare de Nadia Beugré est aussi une pièce sur le regard. Celui, occidental, voyeur, exotisant, que l’on pose sur ces corps et plus spécifiquement sur les corps noirs.

Ils sont de dos, entièrement nus ou simplement drapés de tissus. Cinq hommes non-blancs, certains sur talons, ensemble ils ondoient, font rouler leurs hanches, frémir leurs bassins. La chorégraphe Nadia Beugré, inspirée par les communautés de Rio de Janeiro et leurs danses urbaines véloces où ces mouvements ne sont pas seulement l’apanage des femmes, déjoue avec subtilité les assignations de genre. Si L’Homme rare rappelle que féminité et masculinité, fragilité et virilité, sont des notions toutes relatives, la pièce nous tend surtout un miroir pour y observer nos manières de voir. La chorégraphe laisse libres nos yeux de se poser là où ils veulent. Mais nul n’échappe à la posture du voyeur comme à l’héritage d’un regard dominant, qui réifie, exotise, colonise les corps et tout particulièrement les corps noirs. Fesses rebondies plutôt que torse bombé, en enrichissant d’autres nuances les masculinités, L’Homme rare se laisse regarder sans pourtant jamais montrer son visage.