Hans Jürgen Syberberg / Edith Clever Penthesilea

[Théâtre]

Dans Penthésilée, on dirait que soudain tout explose dans une liberté souveraine, que Kleist s'abandonne les yeux fermés aux figures qui surgissent de ses brouillards - la scène se dilate et se décroche du temps - l'historicisme un peu rétréci des uniformes et des livrées laisse place soudain à des images fabuleuses, exemplaires, aux contours tout tremblés déjà par la vapeur du mythe.
Comme toutes les vraies oeuvres symboliques, Penthésilée ne signifie rien avec précision : on perdrait son temps à essayer de cerner son "message" ; plutôt elle hausse jusqu'à signifier, elle recharge de pouvoir, de nostalgie et de profondeur tout ce qui s'aimante à son champ magnétique, tout ce qui vient se brûler du fond des ténèbres - de nos ténèbres - dans un envoûtant tournoiement nocturne à sa chaleur de coulée de métal.

Julien Gracq in Préface à Penthésilée