Iannis Xenakis Polytope II

[Musique]

« Pour entrer dans le cataclysme du Polytope de Cluny, pour assumer jusqu'à la douleur les cris déchirants de Nuits, point n'est besoin de se référer à qui ou à quoi que ce soit, pas plus que de refaire mentalement une évolution dont ce serait là le point extrême. Il suffit d'être neuf, ouvert, disponible, libre de tout bagage et prêt à l'aventure. Il suffit seulement de se rendre à l'évidence. Et l'évidence ne s'explique pas, ne se discute pas. Elle s'impose.
Pris dans le faisceau des haut-parleurs, ou dans le réseau des instruments et des voix, l'auditeur confiant et de bonne volonté est tout de suite pris au piège des sons, envoûté, subjugué, submergé, exalté, sans presque avoir eu le temps de rien comprendre à ce qui lui arrive. C'est comme un immense bruit géologique qui monte en lui, l'investit, le soulève, un son des origines, fondamental, nécessaire, coupé de tempêtes et de fracas, un et multiple à la fois, et semblable en tout à ces phénomènes naturels pour lesquels Xenakis a toujours gardé une fascination émerveillée : le vent, la grêle, l'orage, les tremblements de terre, les éruptions volcaniques, les marées, les courants sous-marins, le mouvement inéluctable des astres dans le ciel, le crépitement du feu, le bruissement des grillons dans la nuit de l'été et même la clameur des grandes foules en colère. »
Maurice Fleuret (Bibliothèque Gustav Mahler, in Une musique différente, catalogue Iannis Xenakis, BNF)