Le Festival avec l'hôpital

Le partenariat entre le Festival d’Automne et l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris est né en réaction à la crise sanitaire impactant fortement tout le secteur hospitalier, aussi bien soignantes et soignants que patientes et patients. Le projet est aussi né d’une envie partagée avec l’AP-HP, dans un contexte de bouleversement, de rapprocher les mondes de la santé et de la culture, mondes qui peuvent se nourrir mutuellement. La crise sanitaire a renforcé la volonté du Festival de rendre la culture accessible à des personnes qui en sont souvent éloignées et parfois privées de lien extérieur. L’objectif était d’imaginer des actions culturelles au sein même des établissements hospitaliers en les inscrivant dans le temps long. Cette alliance a été initiée par l’équipe de direction du Festival d’Automne et s’est concrétisée par la signature d’une convention de partenariat avec l’AP-HP. 

 

Résidence de Samuel Achache à l’hôpital Armand-Trousseau © Festival d’Automne à Paris

 

En 2023, deux metteuses et un metteur en scène se sont engagés avec le Festival dans une série de résidences au sein d’établissements de l’AP-HP en étroite collaboration avec l’association Making Waves. Celle-ci a pour vocation de favoriser, par la radio et le podcast, l’éclosion d’espaces de dialogue, d’expression et de création, notamment avec des studios radio nomades et la production de séries audio. Les équipes de l’association ont ainsi accompagné Clémentine Baert dans un projet musical avec des personnes âgées sur la mémoire et la jeunesse à l’hôpital Charles-Foix d’Ivry-sur-Seine, Émilie Rousset au sein du service maternité et du CECOS (Centre d’Études et de Conservation des Œufs et du Sperme) de l’hôpital Jean-Verdier de Bondy, et Samuel Achache et sa compagnie La Sourde pour la création d’une radio portée par des enfants à l’hôpital Armand-Trousseau.

Entretien avec Alexandre Plank, co-fondateur et directeur artistique de Making Waves.

 

Sur quel principe s’est déployée votre collaboration avec le Festival d’Automne ? 

Alexandre Plank : Chaque metteuse et metteur en scène à qui le Festival a proposé des résidences et que Making Waves a accompagné, développe une action et une méthode, avec l’idée d’explorer l’hôpital de l’intérieur, convaincu de la puissance de ce que la culture peut y apporter. Samuel Achache souhaitait créer une radio dans l’hôpital Armand-Trousseau, qui serait portée par des enfants et aurait un caractère musical. Il nous fallait – tous les mercredis – installer une radio avec une micro-antenne FM pour pouvoir diffuser dans l’hôpital. Avec ces émissions, nous voulions montrer aux enfants que ce qu’ils ont à dire est intéressant, en parlant de leurs goûts musicaux, puis leur donner accès à des chemins de création. Nous inventions avec eux un morceau de musique, en partant d’une rythmique, d’un instrument ou d’une thématique apparue pendant l’émission. Il s’agissait de les placer dans le rôle de créateurs ou directeurs artistiques. Les émissions sont donc le résultat de discussions sur la musique et de création musicale, pour montrer comment on peut créer collectivement. 

Comment s’est noué le contact avec les enfants qui ont participé à ces émissions ? 

AP : Il s’est d’abord noué via L’Escale, le dispositif socio-culturel dédié aux patients adolescents de tous les services de l’hôpital Armand-Trousseau, qui nous a permis de rencontrer les gens dans les différents services pour leur expliquer le projet. Les rencontres se sont donc nouées soit au hasard des couloirs ou dans les chambres, soit grâce au personnel soignant qui nous indiquait des jeunes que le projet pourrait intéresser. Pour la dernière émission, nous avons changé de lieu d’implantation et avons installé le studio dans un lieu de passage, à côté des machines à café. C’est très stratégique parce qu’on voit tout le monde et tout le monde nous voit, des gens s’arrêtent et participent.

Comment l’émission a-t-elle été reçue dans l’hôpital ? 

AP : Il est arrivé que des groupes d’enfants se réunissent par étage autour des postes de radio, à l’invitation des médecins, pour écouter l’émission. Des postes étaient aussi dans les bureaux de l’administration. Les questions d’écoute collective nous préoccupent particulièrement et les projets comme celui-ci sont fédérateurs.

Comment travaillent les artistes de la compagnie La Sourde ?

AP : Ils ont une immense capacité d’improvisation et d’adaptation aux personnes. Dans sa pratique théâtrale, Samuel Achache travaille avec ce que les autres ont envie d’être et de produire. Et il a réussi à faire en sorte que ces jeunes soient moteurs de ce qui est en train de se produire. En tant que professionnels de la radio, du théâtre ou de la technique, nous ne faisions qu’amener leurs idées un peu plus loin. Tout partait toujours de leurs propres désirs et de leurs propres cerveaux.

Comment s’est articulée la suite du projet, en dehors de l’hôpital ? 

AP : Après la série d’émissions en direct à l’hôpital Trousseau, nous avons produit un vinyle de quatre chansons, enregistrées par des jeunes qui avaient participé à ces émissions, avec des musiciens professionnels. Il y a d’abord eu une phase d’enregistrement des paroles, qui s’est déroulée dans les locaux du Festival d’Automne, avec du bon matériel et dans des conditions professionnelles. Nous avons utilisé les enregistrements des émissions de radio comme des maquettes. Les parties musicales (trompette, piano, batterie, guitare) ont ensuite été enregistrées dans le studio d’Antonin Tri-Hoang, puis les chansons sont passées entre les mains d’un mixeur professionnel. Nous avons également réalisé une série de documentaires pour l’émission L’Expérience d’Aurélie Charon sur France Culture, diffusée à l’automne 2024. C’est un projet radiophonique et sonore global.

 

Les actions artistiques menées à l’hôpital sont rendues possibles grâce à l’engagement de Dance Reflections by Van Cleef & Arpels et de la Fondation de France
La SACD soutient l’ensemble des actions du Festival d’Automne élaborées et réalisées par des auteurs et autrices. 

 

Émilie Rousset
Mettre au monde

Avec son théâtre d’enquête, Émilie Rousset explore les archives de nos sociétés contemporaines. Après avoir plongé dans le système judiciaire et l’accès au droit à l’avortement, elle s’intéresse ici aux parcours des couples et des femmes confrontés à l’infertilité dans le cadre de l’hôpital public.

À l’invitation du Festival d’Automne et de l’AP-HP, elle choisit de s’associer au réalisateur radio Alexandre Plank pour aller à la rencontre des services d’aide médical à la procréation, des dons de gamètes, de biologie de la reproduction et de la maternité de l’Hôpital Jean Verdier de Bondy. Les médecins, les soignant·es et les patient·es leur ont ouvert les portes de leurs consultations, du laboratoire, de leurs réunions. Dans un couloir, dans un bureau, face à un microscope, se dessine l’intimité des parcours face à l’infertilité, la médicalisation de nos désirs et de nos corps ainsi qu’un service public qui lutte au quotidien contre les réalités économiques de son territoire. Au fil des conversations surgissent les processus complexes de nos constructions culturelles, éthiques, politiques face à la reproduction et au désir d’enfant.

Samuel Achache
Radio Escale

À l’automne 2023, la compagnie La Sourde et le collectif Making Waves ont fait escale à l’Hôpital Trousseau, un hôpital pour enfants à Paris. Un studio de radio éphémère a été installé près des machines à café pour créer des émissions avec les enfants et adolescents hospitalisés.

Tous les mercredis, pendant trois mois, l’hôpital s’est animé de questions sur la musique : Qu’est-ce que c’est ? Quand et comment on l’écoute ? Qu’est-ce qu’elle nous fait ressentir ? Ces émissions, diffusées sur des postes de radio placés dans différents services, se concluaient par un défi : inventer une chanson en 15 minutes. Ces esquisses musicales, portées par les voix de Gabrielle, Billie, Alma, Alia, Mehdi et d’autres enfants, ont ensuite pris leur envol. De retour à l’atelier, Samuel Achache et son équipe les ont transformées : effets spéciaux, arrangements électroniques et acoustiques, voix ajoutées…

Radio Escale, c’est la rencontre entre des artistes, des enfants et leurs mondes intérieurs. Ce podcast est le résultat des instants partagés, des chansons uniques où se croisent rêves et éclats de voix.

Clémentine Baert
Rien que pour nous

Clémentine Baert explore comment la chanson peut soigner et redonner vie, le temps de son évocation et de son écoute, à la personne qu’on aime ou qu’on a aimée.

Dans le cadre de sa résidence artistique à l’Hôpital Charles Foix à Ivry-sur-Seine, elle s’est rendue dans un service de gériatrie pour parler d’amour à travers la chanson. Ce podcast, mêlant entretiens et fiction, se construit au fil des rencontres faites durant ces mois passés auprès des patient·es et des soignant·es. Pendant sept mois, elle a échangé avec des personnes âgées de 30 à 100 ans questionnant la mémoire à partir de chansons, qu’elles soient célèbres ou oubliées. Ces chansons d’amour révèlent une histoire à la fois tendre et tragique, une histoire que Clémentine Baert partage pour s’aimer encore un peu.

 

Grâce au partenariat développé avec France Culture, écoutez ou réécoutez les podcasts retraçant leurs expériences au sein des hôpitaux Jean Verdier, Armand Trousseau et Charles-Foix, diffusés à grande échelle dans l'émission L’Expérience d'Aurélie Charon, les 7 et 14 décembre 2024.

À écouter en replay sur l'application et le site internet de Radio France.