Jacques Becker / Robert Franck Jacques Becker (Rétrospective intégrale), Robert Franck (films inédits)…

[Cinéma]

Mettre en relation et confronter des films, des styles, des tendances et bien sûr des époques, écrire avec les écritures des autres pour les faire apparaître sous un jour nouveau, aimer découvrir des films et aimer partager ce plaisir, ce sont les enjeux d'une programmation. Une programmation à 'travers laquelle nous voudrions affirmer un parti pris, mélange d'hétérogénéité et d'envie de faire dialoguer l'impossible des bouts de cinéma qui se font au quatre coins du monde, avec la part d'utopie que cela suppose. Ainsi, cette année, la coprésence d'un cinéaste français, très français, comme Jacques Becker, et d'un photographe-cinéaste américain, très américain, comme Robert Frank. Comme l'année dernière où voisinaient sur la même affiche Robert Bresson elle cinéma indépendant new-yorkais. Cette année encore, nous avons voulu saisir l'hétérogénéité de ce qui se fait ou s'est fait dans un passé plus ou moins récent, au nom d'un même désir, le cinéma. Il se pourrait bien que Jacques Becker soit à l'ordre du jour. Dans le contexte actuel du cinéma français, pour le moins alarmiste, en tous cas défensif, ce qui manque le plus, ce ne sont pas tant les expériences marginales, limites, ni les cinéastes-précurseurs, en avance sur leur temps. Ce sont plutôt les artisans tenaces, bons narrateurs et amoureux de la langue française, capables de faire bouger nos meilleurs acteurs dans des comédies alertes et parfois graves. Ce qui manque, c'est du style.: des cinéastes de la trempe d'un Becker. Ce retour 'sur Becker et ses films treize, de 1942 à 1960 , nous aidera à répondre à une question qui risque malheureusement de paraître nostalgique : qu'en est-il d'un cinéma français populaire et élégant, efficace et moral, qu'il incarnait parfaitement ? Le cinéma devient-il par ailleurs une matière d'expérimentation comparable à celle que procurent les arts plastiques et la photographie, ainsi que le suggère Robert Frank ? Robert Frank fait partie de ces cinéastes qui mêlent un regard poétique et sociologique à l'égotisme du cinéma amateur et familial. Les sept films inédits en France que nous présentons devraient constituer une révélation pour ceux qui connaissent déjà le grand photographe, mais également étonner les cinéphiles qui connaissent depuis peu un des «fils» de Robert Frank, un certain Jim Jarmusch. Enfin, dernier volet de cette programmation : des films inédits, en avant-première, sous l'égide de la «Semaine des Cahiers du Cinéma». Des films que la revue soutient, aime et se propose de montrer au public parisien,comme autant de signes annonciateurs d'un cinéma exigeant et combatif : un souffle de vaillance qui ne fera pas de mal dans la période actuelle.
Dominique Païni et Serge Toubiana