Louis-Charles Sirjacq / Alan Bennet Conférence sur Kafka

[Théâtre]

Kafka rêva un jour qu'il rencontrait un Anglais. Il portait un costume classique de flanelle grise qui lui recouvrait également le visage. Ce rêve, à moins d'être une incitation à se méfier de son tailleur - si tant est que les rêves nous incitent à quoi que ce soit - donne envie de traiter Kafka à l'anglaise et donc avec humour, afin de lui redonner une dimension plus humaine. La Manche est un bain d'ironie dans lequel les Anglais plongent les continentaux trop sérieux pour ne pas se laisser contaminer par leurs états d'âme. Il y a quelque chose d'anglais chez Kafka qui ne se limite pas à son autodépréciation. Végétarien et amateur de soleil, son excentricité nous est familière : s'il avait vécu en Angleterre au début du siècle et non à Prague, on aurait pu l'imaginer partir en randonnée et passer des soirées entre amis partageant ses idées. Il est ce jeune homme dans une pièce de Bernard Shaw qui passe d'un pas rapide devant la clôture d'un jardin dans des shorts trop larges et est interpellé par une jeune héroïne dynamique qui, sensible à son charme, le prend en main, balaie ses pensées lugubres et lui donne une lecon de courage.

Alan Bennett