Georges Delnon, Mark André …22,13…

[Musique]

…22,13…, ou 13e verset du chapitre 22 de l’Apocalypse de Jean, le dernier livre de la Bible, d’une beauté abrupte, sauvage, aux impénétrables symboles. Il dit : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. » Cet alliage d’inconciliables, cette identité paradoxale de Dieu, est la source première de l’“opéra” de Mark André. À l’affût de nos fantômes, il nous propose une ouverture à la méditation, l’épelle, la creuse et l’allège en inscrivant en elle-même son propre déchiffrement : choc métaphysique à partir du choc musical.
Pour incarner cette réflexion et penser la perception, l’œuvre s’appuie sur trois socles : le film d’Ingmar Bergman, Le Septième Sceau (autre référence à l’Apocalypse), où  le chevalier perd sa partie d’échecs contre la Mort ; la joute entre Kasparov et l’ordinateur IBM Deep Blue qui le défait (ce combat pour l’humanité, véritable Passion, se modèle sur le timing des parties, structure temporelle de la pièce) ; enfin, le “train fantôme”, un chemin de croix qui conduisit 900 déportés de Toulouse à Dachau en 1944.
Disposée autour des spectateurs, la musique pense cet infini menaçant : gorgée de masses sombres lacérées de fortissimos, contrepointée de textes bibliques chuchotés par 7 chanteuses – le tout différencié et approfondi par la transparence de l’électronique –, elle est dramatisée encore par la mise en scène : peuplée, ou très peu, d’espèces humaines, son échiquier mobile cache l’invisible et ne montre que lui.
Jean-Noël von der Weid