Rodrigo García Arrojad mis Cenizas sobre Mickey / Et balancez mes cendres sur Mickey

Rodrigo García

[Théâtre] « Si tu as neuf ans et que tu vis à Florence, tu vas au McDonald’s le dimanche. Si tu vis en Afrique, tu couds des ballons pour Nike… »
Ces lignes tirées de L’Histoire de Ronald, le Clown de McDonald, pièce de Rodrigo García créée en 2003, pourraient tout à fait figurer dans Et balancez mes cendres sur Mickey. La dernière création du dramaturge et metteur en scène hispano-argentin – dont le titre semble prolonger celui d’un autre spectacle de 2003, J’ai acheté une pelle en solde pour creuser ma tombe – continue de creuser la veine d’un théâtre que l’on a pu dire provocateur – alors qu’il ne fait finalement que répondre à une provocation bien plus grande, et autrement perverse : celle que représente la domination sans partage d’un système capitaliste qu’il récuse, et qui le révolte.
Spectacle après spectacle, Rodrigo García pointe sans faiblir les dérives – aveuglement et individualisme de masse, exploitation et formatage des individus – auxquelles le totalitarisme, qu’il soit militaire ou économique, soumet quotidiennement nos corps et nos âmes.
Sa prose comme sa manière de diriger les corps constituent ainsi une réponse directe, drôle et violente, à la manière dominante de dresser les corps et les sexes les uns contre les autres, dans un monde régulé par l’idéologie de la rentabilité. Elles opèrent un renversement poétique au service d’un théâtre de la cruauté qui est aussi un théâtre de la crudité, où se mêlent le sang, l’essence, le sexe, le miel…
Faisant suite à Borgès+Goya, parenthèse dans ce parcours du combattant, Et balancez mes cendres sur Mickey montre un artiste qui n’a rien perdu de sa pugnacité, mais dont la manière semble s’être épurée, à défaut de s’être apaisée. C’est en poète que Rodrigo García nous ofre ce nouveau manuel de survie qui abonde toujours en images saisissantes : une femme que l’on tond sur scène, des souris que l’on noie dans un aquarium ; le face-à-face muet d’un 4x4 flambant neuf et d’une piscine gonflable remplie de boue ; un homme enseveli sous les tranches de pain – serions-nous tous devenus des hommes-sandwichs ?