Xavier Dayer To The Sea / D'un amour lancé...

Xavier Dayer / Ensemble Cairn

[Musique] « J’ai presque toujours l’impression que j’écris pour des voix ; le monde musical qui m’inspire est souvent un univers vocal – issu du madrigal de la Renaissance, des polyphonies médiévales, des premiers opéras », explique Xavier Dayer.
Cherchant souvent à sublimer le pouvoir d’apaisement du chant, à faire saillir ce qui lie l’être humain à la voix, cet « instrument originel », le compositeur suisse (né en 1972) dit aimer également ce moment où la langue perd le sens des mots pour ne plus devenir que couleur – où musique et poésie s’entrecroisent.
Un espace où est en permanence à l’œuvre un amour du texte qui a découvert dans l’œuvre de Fernando Pessoa un terrain d’élection.
Le Marin
(1999), premier des trois opéras de Xavier Dayer, s’inspirait déjà d’un texte de ce « poète de l’entre-deux », et c’est également le cas des deux œuvres vocales de ce programme qui parcourt près de dix années de sa production musicale : les Chants de la première veilleuse (partiellement repris dans Le Marin) et le Sonnet XXIV, qui appartient à un cycle d’œuvres instrumentales et vocales inspirées des poèmes en anglais – la première langue de Pessoa – dans lequel le compositeur tente d’échafauder une dramaturgie en creux – non pas un climax, mais une sorte de « doux oubli ».
Découlant de la même source, le trio Shall I Revisit These Same Differing Fields est une sorte de mise en abîme reposant sur l’enlacement et le dépouillement de lignes instrumentales qui semblent tourner sur elles-mêmes.
Composée pour guitare (l’instrument de Xavier Dayer), la Promenade de Ricardo Reis fait allusion à l’un des hétéronymes de Pessoa, évocation audacieuse et fragile du monde intérieur d’un personnage inexistant. Lorsque le compositeur se réfère à un autre artiste, il choisit le peintre américain Cy Twombly dont les tableaux questionnent son attachement à l’écriture (To The Sea essaie ainsi de créer musicalement “ une sorte de surface blanche “).
Et même lorsqu’elles sont instrumentales, ses œuvres laissent entendre des voix – ces lointains échos de chœurs vénitiens qui rythment D’un amour lancé. La musique de Xavier Dayer interroge la mémoire,  les souvenirs qui sont les fissures de l’être ; elle est un jeu avec le vide, un livre de l’intranquillité.