Raúl Herrera Musique mexicaine de salon

[Musique]

À l’aube du XXe siècle, le Mexique vit depuis près de trente ans sous la dictature de Porfirio Diaz, mascarade bureaucratique de démocratie qui mêle progrès industriel, concentration des richesses, exploitation des travailleurs – femmes et enfants inclus –, persécution des agriculteurs, des peuples et des minorités indigènes et appauvrissement de la population. Dans la haute société et les classes moyennes mexicaines, la mode est parisienne. La France, alors au sommet de son rayonnement culturel, est l’un des principaux partenaires de l’économie mexicaine – même si l’intervention militaire française (1861-1867) et le règne éphémère de Maximilien ont posé les bases d’une relation problématique entre les deux pays.
Les salons bourgeois de Mexico ressemblent donc à leurs homologues parisiens ; les Verdurin s’y sentiraient bien. L’incontournable piano, ré-inventé par Frédéric Chopin et surtout par Franz Liszt, y trône, au centre des attentions et des discussions. Et les musiciens mexicains composent pour leurs hôtes des valses dans le plus pur style français, ainsi que des mazurkas, impromptus et autres préludes mélancoliques qui dégagent un délicat parfum de Saint-Saëns, Massenet, Chabrier et même Cécile Chaminade.
Dans le reste du pays, la musique est toute autre : la rumeur gronde et la guerre civile, avec à sa tête des hommes comme Francisco I. Madero, Pascual Orozco et Emiliano Zapata, se fait menaçante.
Doublant son talent de pianiste d’une érudition sans faille et d’un don de conteur, Raúl Herrera exhume pour nous cet âge d’or d’un monde prêt à basculer. Entre deux pièces de Ricardo Castro (1864-1907), Manuel M. Ponce (1882- 1948) ou Alfredo Carrasco (1875-1945), dont les accents bucoliques et surannés rappellent la grande époque du cinéma muet, Raúl Herrera nous raconte la saga de sa famille, étroitement liée à l’histoire de ce Mexique lointain.