Paul Plamper Artaud se souvient d’Hitler et du Romanische Café

[Théâtre]

Le 3 décembre 1943, de l’hôpital pyschiatrique de Rodez où il est interné, Antonin Artaud adresse à Adolf Hitler une brève missive de huit lignes, « en souvenir du Romanische Café à Berlin, un après-midi de 1932 ». Cette rencontre entre l’auteur du Théâtre de la cruauté et celui qui devait pousser la cruauté jusqu’à la folie et à l’innommable, bien qu’elle n’ait sans doute jamais eu lieu, a fourni à l’écrivain allemand Tom Peuckert la matière d’un texte, forcément, hors du commun ; le monologue d’un « suicidé de la société » qui, derrière ses allures de comédie grand-guignolesque et outrancière, dessine une réflexion tragique autant que visionnaire sur le pouvoir de l’art, et l’exigence d’humanité…
Pour porter à la scène ce soliloque halluciné, il fallait un acteur à sa démesure. Poursuivant son compagnonnage avec le Berliner Ensemble (le théâtre créé par Bertolt Brecht en 1949), après L’Opéra de quat’sous et Lulu relus par Robert Wilson, le Festival d’Automne accueille aujourd’hui l’un de ses comédiens emblématiques : Martin Wuttke, qui fut, en 1996, l’inoubliable Valmont du Quartett de Heiner Müller mis en scène par l’auteur – auquel il succéda d’ailleurs au poste de directeur artistique de la troupe – et l’Arturo Ui de cet automne. Le metteur en scène Paul Plamper a imaginé, pour figurer le Romanische Café, lieu phare de la bohème berlinoise des années 1920, un cube de verre dans lequel le comédien tourne et rugit comme un lion en cage… Un rendez-vous historique.