Brian Ferneyhough Unsichtbare Farben, Terrain, Umbrations

[Musique]

Pour la première fois dans son œuvre, le compositeur Brian Ferneyhough a recours à un matériau issu d’une époque antérieure de l’histoire de la musique occidentale : les pièces pour violes de Christopher Tye (1505-1572), elles-mêmes fondées sur des mélodies médiévales.
Né en 1943, anglais exilé outre-Atlantique, autodidacte et professeur de composition d’exception, Brian Ferneyhough a décrit son projet esthétique comme la « réintégration de la musique dans un cadre culturel plus large ». Au cœur de son écriture instrumentale, pourtant, demeurait jusqu’à présent un matériau personnel, quoique bien éloigné du dodécaphonisme ou spectralisme, qui pétrit ou tourmente des objets musicaux versatiles, tant leur notation est complexe.
Umbrations rassemble le quatuor Arditti et l’ensemble Modern au long de divers mouvements tous écrits pour une instrumentation différente. Cette rencontre avec Christopher Tye, connu pour sa musique chorale et ses œuvres instrumentales de chambre, ne constitue pas un cycle comparable aux Carceri d’invenzione ou Time and motion studies ; elle forme plutôt un album, au sens mallarméen, spéculant sur les chants utilisés en une lecture presque cabalistique, interrogeant la résistance ou les imperfections d’un « corps étranger ».
Préfiguration d’Umbrations par son utilisation fragmentaire d’une messe d’Ockeghem (XVe siècle), Unsichtbare Farben est avant tout un hommage au « brillant très particulier » du violoniste Irvine Arditti, confronté dans Terrain (référence au land-art de Robert Smithson) à la formation de l’Octandre de Varèse.
Ces trois œuvres égrènent ainsi « une collection de modèles, difficilement coexistants », non comme une relecture ignorant la nature cinétique de l’Histoire, mais pour en magnifier la vision en perspective.

 

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