Maguy Marin DEUX MILLE DIX SEPT

[Danse]

Quand un spectacle est éblouissant dans sa forme, c’est déjà une promesse de persistance rétinienne. Quand cette forme existe au service du fond, les images imprimées drainent infailliblement une réminiscence de méditation. Échec et mat.
Le roi n’a qu’à bien se tenir. Chez Maguy Marin, l’art est avant tout politique. L’artiste réunit ici dix interprètes et, de sa plume qui fait parler la danse, échantillonne les visages masqués du néo-libéralisme omnipotent. De l’insidieuse propagande enjoignant les masses à sacrifier leurs vies pour le bien-être de quelque élite, l’artiste fait le noyau dur de ce nouvel opus. La gouvernance de l’ombre n’a rien de nouveau, mais cette officine de soumission aux stratégies d’asservissement est d’autant plus redoutable aujourd’hui que quiconque ne s’adapte pas aux critères de la rentabilité est systématiquement mis au rebut. D’after-works en happy hours, notre société tout sourire dégage l’odeur pestilentielle de l’hypocrisie. Sous une peau liftée de festivité, elle n’est qu’angoisse refoulée et vide existentiel. Mettre en exergue les sensations confuses qui nous hantent devant ce monde absurde et anxiogène, c’est le chantier auquel se frottent Maguy Marin et ses collaborateurs. Telle un de nos bons vieux rois du burlesque qui, au plus fort de la catastrophe, pointent d’un humour implacable son actualité, elle alevine avec espoir la rivière de nos vraies passions, pour assurer la pérennisation de notre espèce de la façon la plus digne possible.