Boris Charmatz Happening Tempête

[Danse]

Après l’intimité des duos enchainés de La Ronde à l’occasion de la fermeture du Grand Palais pour travaux en janvier dernier, le chorégraphe Boris Charmatz tente d’imaginer un élan collectif pour dépasser les contraintes qui nous empêchent de danser ensemble. Investissant pleinement l’espace exceptionnel du Grand Palais Éphémère conçu par Jean-Michel Wilmotte, plus d'une centaine de performeurs formeront pendant près de trois heures une communauté de corps dansants se déployant dans une tempête de gestes -isolés-. Le résultat de quelques heures volées au confinement, durant lesquelles les participants ont pu se retrouver en groupes restreints.

« Le premier désir : se retrouver dans cet immense espace, tous ensemble – même si nous sommes séparés, masqués – et tenter de déployer ce qui, aujourd'hui, paraît presque un luxe. On aimerait se toucher, danser tous ensemble, mais ce sera pour plus tard. Nous allons performer sur place, ensemble, mais séparés...
J’ai tout de même envie que nous arrivions à toucher à une forme de tempête ! Une tempête intérieure, une tempête mentale, une tempête sur place, mais une tempête tout de même. Sans que les corps ne se touchent, soient attirés les uns vers les autres... Et bien nous pourrons danser, seuls, mais ensemble. Je ne suis sans doute pas le chorégraphe le plus doué pour m'adapter aux règles sanitaires. Parce que j'aime quand ça déborde, quand ça sue, quand ça court, quand ça s'étreint. Par contre, je crois que la crise sanitaire, a vraiment touché toute la communauté des danseurs et des danseuses dans son ensemble – à un niveau symbolique très fort. Parce que les spectacles ont été annulés bien sûr, mais aussi parce que cette crise vient toucher à l'essence de ce qui fait la danse – le contact, le désir, la dépense collective. La « distanciation physique », c'est l'inverse de la danse. La danse brise la distanciation, c'est une rupture de distance, elle remet de la proximité où il y avait de la distance. La danse est un véhicule de perméabilité entre les corps. J’ai eu envie, jusqu'au bout, de voir ce qu'il était possible de faire malgré ces contraintes. Symboliquement c'est important que cet événement ait lieu. La danse a quelque chose à produire dans cette période. Il faut qu'on puisse se reposer dans nos corps, s'y inscrire, J’ai bâti à partir de certains protocoles de mouvements issus de mes pièces 10000 gestes et infini, une matrice qui pourra réunir tous ces groupes, en une boucle incessante. Une chorégraphie débridée, rapide, foisonnante, à même le béton sur partition statique de grands orgues. »

Entretien de Boris Charmatz avec Gilles Amalvi