Philip Venables Talking Music

[Musique]

Une parole libérée : c’est dans le registre du storytelling que Philip Venables s’illustre depuis quelques années sur les scènes de la création musicale. Entre intimité et vie publique, enjeux identitaires et engagements politiques, le compositeur nous démontre que tout peut être dit en musique.

L’entretien intime est le motif de ce concert d’un nouveau genre, à mi-chemin entre la séance psychanalytique et le talk-show dramatique. Ici, les récits à la première personne sont omniprésents, animés par un maître de cérémonie. Projetés à l’écran ou incarnés sur scène, ils font le lien entre les œuvres, mais pénètrent aussi en profondeur la matière musicale, lui servant de modèle et de contrepoint. Les mots brûlants choisis par Philip Venables ont cela de commun qu’ils participent toujours d’une poésie prosaïque de notre temps. Dans Illusions, œuvre initiée lors des élections britanniques de 2015 et finalisée en 2017 à l’occasion des cinquante ans de la dépénalisation de l’homosexualité en Angleterre et au Pays de Galles, l’égérie LGBTQIA+ David Hoyle affirme dans ses divagations prophétiques que l’art peut bouleverser les mentalités : « Ce soir, la vie qui est en vous sera réfléchie dans l’art dont vous êtes les témoins. » Si l’on y prête attention, la moindre trace de subjectivité, la moindre confidence, peut laisser transparaître un destin collectif. C’est ce que nous enseigne My Favourite Piece is the Goldberg Variations, une pièce pour accordéon fondée sur le récit poignant de la mère du musicien qui l’interprète. Reste que les esprits n’échappent pas aux souffrances de la réclusion, à la nostalgie et à l’oubli. On l’entend dans la poésie révolutionnaire et fantasmagorique des Numbers de Simon Howard, auquel le compositeur consacre un cycle, comme dans la lettre du militant américain Sam Melville, en écho aux émeutes de la prison d’Attica où il laissa sa vie, sublimée par la musique de Frederic Rzewski.