Christoph Marthaler Die Sorglosschlafenden, die Frischaufgeblühten

[Théâtre]

Fidèle à son goût pour un théâtre musical absurde, Christoph Marthaler puise dans les textes de Friedrich Hölderlin la matière d’un spectacle où agitations et contradictions de l’âme sont tempérées par quelques éclats de rire et les pièces les plus douces de Bach, Schumann ou Schubert. Un art du dérèglement réglé comme du papier à musique. 

La beauté du monde, dit Hölderlin, est indissociable de la fragilité de la vie. Même les « dormeurs insouciants » et les « fraîchement épanouis » doivent composer avec ce paradoxe. L’envie de toujours progresser et de briser nos chaînes, s’oppose au désir de cadre et de passivité car une part de nous préfère rester enchaînée. L’écriture de Christoph Marthaler emprunte ici aux humeurs d’Hölderlin autant qu’à l’art du contrepoint de Bach. Sur scène, quatre comédiens et deux musiciens, engoncés dans des costumes des années 70, tout de velours côtelé et polyester, attrapent les étuis de leurs instruments avec hésitation. Dans leurs bouches, les mots du poète disent la lassitude du monde, le sentiment de perte et la solitude. Si le metteur en scène suisse prend au sérieux le tragique d’Hölderlin, il y glisse – comme à son habitude – un peu de comédie. Textes et musique semblent valser en un chaos chorégraphié, où tout casse en permanence : tables, bureaux, chaises, rien ne semble vraiment tenir le coup.