Pierre-Yves Macé Ear to Ear

[Musique]

Composée pour le centenaire de la publication du poème The Waste Land de T. S. Eliot, Ear to Ear de Pierre-Yves Macé relève de l’œuvre électronique, autant que de l’art radiophonique et de l’installation. À la croisée des arts, la musique naît de la voix parlée, de ses accents et de ses mélodies, et se souvient du lyrisme inquiet des chansons de Scott Walker.

Au début des années 1920, Eliot vint à Paris, où l’on croisait alors James Joyce et Ezra Pound, dont l’influence et les suggestions éditoriales s’avérèrent déterminantes pour The Waste Land. Ear to Ear en est une lecture, un chœur de dix voix enregistrées et transformées : homme ou femme, acteur ou non, au timbre tantôt juvénile, tantôt vieillissant. Ce chœur, que Pierre-Yves Macé écrit avoir cherché à rendre aussi mixte et cosmopolite que possible, adopte imitations et autres canons du poème. Gorgés de citations, les vers d’Eliot, anglais pour la plupart, mais aussi allemands, français, italiens et sanskrits, impliquent ici des voix aux tonalités polyglottes. Comme dans le Roaratorio de John Cage, mais plus parcimonieusement, les lieux et les objets évoqués s’invitent à l’oreille, sous forme d’enregistrements in situ : les cloches de Saint Mary Woolnoth, l’écoulement de la douce Tamise (Sweet Thames, run softly) ou une harpe dénotant les lyres antiques… Au cours de son édition 2023, le Festival d’Automne propose deux versions de l’œuvre, l’une « cinématique » aux Bouffes du Nord, l’autre à Saint-Eustache, où Ear to Ear suscite, à travers ses huit haut-parleurs, une écoute de l’espace. La vidéo réalisée par Oscar Lozano fait apparaître le poème d’Eliot à l’écran, en lettrages variés, dans une traduction inédite de Joris Lacoste, et l’anime en une composition faisant écho à la musique.