Trajal Harrell Caen Amour

[Danse]

Caen Amour prend comme fil rouge les hoochie coochie shows américains de la fin du XIXe siècle, pour tisser une toile serrée où les motifs de la danse se frottent à un siècle d’imagerie, jouant entre ce qui est caché et ce qui est dévoilé. Trajal Harrell, à sa manière, enjouée et politique, fait œuvre de commentateur sur l’état des corps. 

Prendre à bras le corps le passé pour inventer un présent, tel pourrait être la méthode de Trajal Harrell qui, au fil des créations, s’ingénie à scruter le mouvement, mais tout autant l’histoire derrière le mouvement. Il en va ainsi du « hoochie coochie shows », matière première de Caen Amour. Renvoyant à un autre siècle, ce genre provocateur et sensuel, à l’instar d’un spectacle de danse érotique et folklorique, est surtout le produit d’une vision s’affranchissant de la vérité sur un certain orientalisme alors à la mode. Trajal Harrell fidèle à son approche transculturelle y puise matière à interroger nos représentations fantasmées. Il érige un décor, carrousel de carton-pâte, que les interprètes habitent. Sous nos yeux, un bouquet de danses mis en forme par Trajal Harrell réactive une mémoire possible. Drapés d’un voile, d’un simple t-shirt ou seins nus, les solistes convoqués gardent la juste distance entre la représentation et le commentaire. Caen Amour, sous ses atours chatoyants, est à coup sûr une réflexion sur le regard.