Carmelo Bene Macbeth

[Théâtre]

Entre Richard III et Macbeth, il y a une divergence considérable : Macbeth est marié, Richard III est célibataire ; un point de convergence cependant : dans les deux cas, la masturbation est souveraine. Or, tout ménage qui se "respecte" est nécessairement complice, non pas pour décorer l'intérieur ou faire le marché, mais complice dans le crime; et tout crime est "une histoire d'amour". Duncan se laisse chatouiller un beau matin par le chant d'un coq; il défait les bandages de son immobilité et cela le fait précipiter (sa mort même, pour commencer) en Macbeth qui, acteur dément, poursuit la vie de celui-ci, et qui dans sa vie est marié à un amour digne (amour digne du théâtre) : sa femme-garçon-Lady Macbeth. Autant en emporte le vent : ils s'aiment du sang qui sied à l'amour qui sait se dire. Tous les deux attendent (le corps royal de Duncan n'est qu'un simulacre) à leur amour même, en s'excitant dans la sainteté intouchable du tour à tour. Ils frappent à leur terreur même : grands acteurs, ils s'épuisent dans une recherche perpétuelle pour s'auto-effrayer, ils s'habillent d'humeurs et déshabillent des humeurs. Leur action est celle de dire, leur scène est l'imaginaire. Les costumes les armures, les objets de scène décident les gestes, les mouvements et les voix, le chant, les rires, les pleurs, jusqu'à l'aphasie de la récitation. Il n'y a pas de sentiments, il n'y a pas d'âme; "Macbeth" est un forfait de scène : sa femme l'abandonne à un moment donné, suivant le scénario, et il ne reste plus au corps-Macbeth (auquel même l'amour conjugual est soustrait) que les travaux forcés démesurés de chaque jour de scène.

Carmelo Bene. Transcription J.P. Manganaro