Klaus Michael Grüber An der Grossen Strasse

[Théâtre]

En voyage par exemple, en voiture, ou après un bon repas, en promenade, ou la nuit quand je ne puis dormir, c'est alors que les idées me viennent le mieux, qu'elles jaillissent en abondance. Celles qui me plaisent, je les garde en tête et sans doute je les fredonne à part moi, à en croire du moins les autres personnes. Lorsque j'ai tout cela bien en tête, le reste vient vite, une chose après l'autre, je vois où tel fragment pourrait être utilisé pour faire une composition du tout, suivant les règles du contrepoint, les timbres des divers instruments, etc. Mon âme alors s'échauffe, du moins quand je ne suis pas dérangé : l'idée grandit, je la développe, tout devient de plus en plus clair, et le morceau est vraiment presque achevé dans ma tête, même s'il est long, de sorte que je puis ensuite, d'un seul regard, le voir en esprit comme un beau tableau ou une jolie personne; je veux dire qu'en imagination je n'entends nullement les parties les unes après les autres dans l'ordre où elles devront se suivre, je les entends toutes ensemble à le fois. Instants délicieux ! Découverte et mise en oeuvre, tout se passe en moi comme dans un beau songe très lucide. Mais le plus beau, c'est d'entendre ainsi tout à la fois.

Mozart, in Le Principe de Raison
de Martin Heidegger, Trad. André Breau