Klaus Michael Grüber La mort de Danton

[Théâtre]

"Depuis déjà quelques jours, je prends la plume à chaque instant, mais il m'était impossible d'écrire ne fut-ce qu'un mot. J'étudiais l'histoire de la Révolution. Je me suis senti comme anéanti sous l'atroce fatalisme de l'histoire. Je trouve dans la nature humaine une épouvantable égalité, dans les conditions des hommes une inéluctable violence, conférée à tous et à aucun. L'individu n'est qu'écume sur la vague, la grandeur un pur hasard, la souveraineté du génie une pièce pour marionnettes, une lutte dérisoire contre une loi d'airain, la connaître est ce qu'il y a de plus haut, la maîtriser est impossible. L'idée ne me vient plus de m'incliner devant les chevaux de parade et les badauds de l'histoire. J'ai habitué mon oeil au sang. Mais je ne suis pas un couperet de guillotine. "Il faut" est l'une des paroles de condamnation avec lesquelles l'homme a été baptisé. Le mot selon lequel il faut certes que le scandale arrive, mais malheur à celui par qui il arrive - a de quoi faire frémir. Qu'est-ce qui en nous ment, assassine, vole ? Je n'ai pas envie de suivre plus avant cette idée."

Georg Büchner, "Lettre à sa fiancée", Mars 1834
in Oeuvres complètes, Ed. du Seuil