Romeo Castellucci Amleto, la veemente esteriorità della morte di un mollusco

[Théâtre]

L’Amleto de Castellucci débute après que celui de Shakespeare a pris fin, ou avant qu’il a commencé. Lié au souvenir de ses décombres ou de sa naissance comme l’est l’acteur Paolo Tonti par le collier cadenassé qui l’enchaîne au rôle d’Horatio, survivant condamné à raconter, incarner et déconstruire la légende du héros danois. Dix années après la création de ce spectacle-performance parmi les plus marquants de la Socìetas Raffaello Sanzio, l’Amleto, ici repris pour quelques représentations exceptionnelles, poursuit sa descente aux enfers du langage, jusqu’au carrefour où peut se penser le mythe de l’acteur. Une involution – non une régression – qui mènera Hamlet, par la voix d’Horatio, à se « nier à rebours, jusqu’aux recoins les plus profonds du fœtus. Un corps qui, comme Ophélie, retourne aux eaux, un fœtus mou.
Hamlet vit à l’état de mollusque : il déconstruit son squelette et le refuse en tant que charpente de l’agencement organiciste de l’ordre comme système. Le seul résultat sera de liquéfier les limites, rendre fluides les frontières entre la vie et la mort ; redonner une image palustre du corps, une image fangeuse, on ne peut plus molle, recelant en soi l’échange symbolique et l’énigme de sa vie qui peut dans le même temps être et ne pas être ; qui peut encore mourir et dormir ».

Créée en 1981 dans une ancienne école de ferronnerie de Cesena, village proche de Rimini, la Socìetas Raffaello Sanzio s’est engagée dans une entreprise radicale d’interrogation philosophique et esthétique des canons de la représentation théâtrale et de ses fondements spectaculaires. En dépit du caractère souvent apocalyptique de ses spectacles, Romeo Castellucci, son fondateur, ne désespère cependant ni de l’humanité ni du théâtre « seul art qui soit communicable uniquement par le souffle de l’homme. Ce que j’essaie de saisir, c’est ce qu’il y a en lui à la fois d’animal et de religieux ».