Xavier Dayer / Brian Ferneyhough / György Kurtág Incipits / To the Sea...

[Musique]

La musique de Xavier Dayer est fondamentalement marquée par l’univers poétique de Fernando Pessoa, dont il a mis en musique plusieurs sonnets ainsi que les récits énigmatiques du Marin et de Faust : elle se déploie à la frontière du rêve et de la réalité, entre mélancolie et extase. Comme chez Monteverdi, l’une de ses références musicales, elle est avant tout rhétorique, fondée sur une écriture sobre et exigeante qui se déploie polyphoniquement à partir de la ligne ; insensible aux effets, elle vise l’insaisissable, l’évanescence fulgurante du moment d’où surgit, dans la plus grande intensité, l’expression pure. L’œuvre est confrontation avec soi, exploration intérieure, chemin de vérité ; elle rencontre dès lors naturellement les démarches de poètes ou de peintres comme Villon, Celan, Walser ou Twombly. Ce qui compte, pour Dayer, c’est la construction d’une forme qui rende palpable la dimension vertigineuse du temps, avec ses distensions, ses condensations et ses échos. Cela confère à sa musique une intensité et une force dramatique à l’intérieur de laquelle sont toutefois présents des moments d’extrême fragilité. C’est que l’expression veut maintenir vivante la contradiction du réel, ce voilement/dévoilement qui fut au centre de la poétique de Pessoa et de ses nombreux éponymes, dans l’une des expériences poétiques et éthiques les plus fascinantes et les plus radicales.