Grzegorz Jarzyna Nosferatu

[Théâtre]

 

Lorsque cette histoire d’amour gothique de Bram Stoker est visitée par le regard acerbe de Grzegorz Jarzyna, il n’en reste que quelques cendres.
L’intérieur art déco qui abrite le drame se transforme rapidement en un lieu inquiétant et glacial où le comte Dracula va hypnotiser l’innocente Lucie pour ensuite conquérir Mina, portrait rêvé de sa tendre épouse disparue quelques siècles auparavant.
Au rythme de la musique angoissante de John Zorn, le sol s’effrite, la lumière faiblit, devient tranchante, avant d’atteindre des zones sombres. Les machineries du théâtre font voyager dans le temps et dans les songes : dans une civilisation dépourvue de toute trace d’espoir, on navigue entre l’hypnose, l’inconscient et la réalité.
À la recherche d’un temps perdu, les personnages de Nosferatu montrent, plus qu’ils ne le disent, combien les peurs et les obsessions imprègnent la société et à quel point ce qui les provoque peut être fascinant. Héros nostalgiques et non romantiques, ils sont poussés à la transgression des symboles d’une société qui les a forgés, livrés à une exacerbation de leur sensualité dans une ultime quête de leur identité. Directeur et metteur en scène visionnaire du TR Warszawa, Grzegorz Jarzyna s’est emparé du mythe populaire de Dracula pour en faire un spectacle esthétique et dérangeant. La beauté sort de ses cadres, rappelant la lointaine utopie de l’homme : lorsque deux discrètes marques rouges deviennent la promesse d’une vie éternelle.