Claude Vivier
Tristan Murail
Gustav Mahler

[Musique]

L’Orient, bien réel ou imaginaire, est au centre de ce concert. Les poètes chinois que sublime Le Chant de la terre de Gustav Mahler croisent les sagesses de l’Inde dans Siddhartha, roman de Hermann Hesse, dont Claude Vivier fut un ardent lecteur. Ni l’un ni l’autre des musiciens n’avaient pourtant fait le voyage d’Asie. Mais le premier immigre et traverse l’Atlantique, à destination de New York, tandis que le second s’envolera vers le Japon et Bali.

En une symphonie de six lieder, dont le vaste dernier est l’un des sommets de l’art mahlérien, Le Chant de la terre s’inspire du recueil La Flûte chinoise. L’immense Li Bai notamment, maître de la dynastie Tang, y est traduit, sinon adapté par le poète Hans Bethge. Des originaux anciens, Mahler fait vibrer ce qui semblait l’attendre : l’exotisme de son temps, qui irrigue l’œuvre entière, mais aussi le « douloureux parfum du souvenir », celui de contrées fabuleuses qui paraissent appartenir au passé. Au terme d’un adieu, seul demeure ce que le philosophe Theodor W. Adorno appelait « le doux alanguissement de celui qui n’a plus rien à perdre ».
Sous l’influence de son maître Karlheinz Stockhausen, Vivier achève en 1976 Siddhartha. Cette œuvre, parmi les rares qu’il consacra au grand orchestre, s’ouvre certes sur une spectaculaire attaque en tutti. Mais ensuite, ses huit groupes instrumentaux se divisent encore en moindres ensembles, à la musique intime et délicate. Avec clarté, et à la manière des ragas de l’Inde où il n’ira jamais, Vivier projette dans le temps et l’espace une mélodie d’une simple évidence. La quête spirituelle, l’illumination du roman de Hesse sont alors exaltées, comme ailleurs les cultures de Bali, d’Iran ou d’Égypte, que Vivier découvrira bientôt au cours de ses voyages.
En préambule à ce concert, l’arche mélodique des Unanswered Questions de Tristan Murail, que les fondements spectraux, sinon religieux, rattachent à l’art de Vivier.

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Durée : 2h