Francois Tanguy Chant du bouc

[Théâtre]

(...) Epithersès racontait qu'un jour, se rendant en Italie par mer, il s'était embarqué sur un navire qui transportait des marchandises et de nombreux passagers. Le soir, comme on se trouvait déjà près des îles Echinades, le vent, soudain, tomba et le navire fut entraîné par les flots dans les parages de Paxos. La plupart des gens à bord étaient éveillés, et beaucoup continuaient à boire après le repas. Soudain, une voix se fit entendre qui, de l'île de Paxos, appelait à grands cris Tomous. On s'étonne. Ce Thomous était un pilote égyptien, et peu de passagers le connaissaient par son nom. Il s'entendit ainsi nommer deux fois sans rien dire puis, la troisième fois, il répondit à celui qui l'appelait, et celui-ci, alors, enflant la voix, lui dit : "Quand tu seras à la hauteur de Plodès, annonce que le grand Pan est mort."
En entendant cela, tous furent glacés d'effroi. Comme ils se consultaient entre eux pour savoir s'il valait mieux obéir à cet ordre ou ne pas s'en inquiéter et le négliger, Thomous décida que, si le vent soufflait, il passerait le long du rivage sans rien dire, mais que, s'il n'y avait pas de vent et si le calme régnait à l'endroit indiqué, il répéterait ce qu'il avait entendu. Or, lorsqu'on arriva à la hauteur de Polodès, il n'y avait pas un souffle d'air, pas une vague.
Alors Thomous, placé à la poupe et tourné vers la terre, dit, suivant les paroles entendues : "Le grand Pan est mort". A peine avait-il fini qu'un grand sanglot s'éleva, poussé non par par une, mais par beaucoup de personnes, et mêlé de cris surprise. (...)
Plutarque
Dialogues pythiques, Ed. Les Belles Lettres
Traduction R. Flonière