Bruno Geslin Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée…

[Théâtre]

Le titre n’est pas de Molinier mais de Henri Michaux. Il lui va pourtant comme l’un de ces bas dont le photographe érotomane né en 1900 et suicidé en 1976 aimait à gainer ses propres jambes, fétiches adorés entre tous. Fétichiste le libre Molinier l’était assurément, mais au sens très pur où le XVe siècle définissait ce terme « ce qui a vocation à rendre compte des mystères de cultes impénétrables », les surréalistes ne s’y sont pas trompés qui ont très vite placé Molinier au rang des grands prêtres de leur onirique religion. Bruno Geslin, qui a beaucoup travaillé avec Marcial Di Fonzo Bo, notamment côté caméra, s’est emparé de la vie et de l’œuvre photographique de l’artiste pour dire cette métamorphose d’un corps opéré par le fantasme, créature inquiétante, « plus tout à fait homme, pas tout à fait femme ». Un rituel pour dire que Pierre Molinier reste aujourd’hui plus que jamais « provocateur, obsessionnel, sulfureux, colérique, subversif, déterminé et insoumis » et poursuivre, de théâtrale façon, la mission première qu’il s’était assignée sur la terre : « transformer le monde en immense bordel ».