Toshiki Okada We Are the Undamaged Others

[Théâtre]

Se jouant des taxinomies et des frontières disciplinaires, les pièces de Toshiki Okada et de sa compagnie chelfitsch, au confluent de la danse et du théâtre, sont autant de chroniques du Japon contemporain, envisagé à travers le prisme de l’intime et du quotidien. Elles sont également autant d’expériences d’un temps suspendu, d’un présent distordu. We Are the Undamaged Others est, à cet égard, emblématique d’une démarche dont elle vient radicaliser encore le propos. La pièce se déroule dans l’appartement d’un jeune couple possédant, en apparence, tous les attributs du bonheur – mais qui se trouve, en réalité, au bord de la rupture. Les conversations, qui oscillent en permanence du plus banal au plus sérieux (à travers l’évocation d’un crime horrible récemment commis par un jeune homme en situation d’échec social), comme les attitudes (avec ce souci quasi chorégraphique du mouvement des corps propre au travail de chelfitsch) des deux protagonistes, interprétés par plusieurs acteurs différents, traduisent les désarrois et les leurres d’une génération elle-même au bord de la rupture, écartelée entre ses rêves de liberté et son angoisse de l’avenir, entre le réel et sa fictionalisation. Toshiki Okada dit s’être inspiré des expérimentations du plasticien Robert Rauschenberg pour élaborer ce conte cruel de la jeunesse dans lequel, exploitant le motif de la « variation », il pousse encore plus loin sa recherche d’abstraction – et ses interrogations sur, dit-il, « la façon dont la représentation d’actions très simples peut nous forcer à envisager des questions hautement théoriques ».