Théâtre du Radeau
François Tanguy Passim

[Théâtre]

Des textes d’abord, une dérive de textes agencés comme une tapisserie flamboyante – extraits de pièces, poèmes, fragments pris dans un mouvement rappelant cette parole, à l’intérieur de laquelle Michel Foucault aurait souhaité « se glisser » : « être enveloppé par elle, et porté bien au-delà de tout commencement possible ». Des musiques en écho, des costumes, des lumières – et un décor à l’équilibre instable, au travers duquel se faufilent Shakespeare, Molière, Calderon, Flaubert et bien d’autres, accompagnés de leurs invités : Beethoven, Schubert, Cage, Xenakis… Une confrérie de spectres bien vivants, que le Théâtre du Radeau accueille et fait entendre depuis 30 ans, réagençant leurs voix de fugues en impromptus : Coda, Ricercar, le chantier mené par François Tanguy n’est qu’un vaste Passim – locution latine désignant l’occurrence d’un mot qui revient en plusieurs endroits. Ici, le chantier se fait hyper-texte artisanal, espace mental où naviguent ensemble acteurs et spectateurs ; une zone faite des bribes de textes qui nous hantent, nous traversent – flottant selon le libre jeu des associations. Dans ce théâtre qui a largué toute amarre narrative émergent des images – de mort, de démesure, d’amour, suivant une dramaturgie onirique et évanescente. Comme si chaque texte renvoyait à d’autres, comprenait tous les autres, dans un jeu de reflets formant un kaléidoscope théâtral. Atelier hétéroclite, machinerie bricolée où des panneaux glissent, laissant surgir des acteurs comme arrachés à des tableaux encore frais, Passim déborde de son propre cadre, esquissant le brouillon de ce que le théâtre pourrait encore être et faire advenir.