Daria Deflorian
Antonio Tagliarini Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni

[Théâtre]

En Grèce, en pleine crise économique, quatre femmes âgées ont mis fin à leurs jours. Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni part de cette première image du roman Le Justicier d’Athènes de Pétros Márkaris. Ni récit, ni documentaire, la pièce avance par inductions, hypothèses, reconstitutions, telle une enquête, au-dedans et au-dehors de ces quatre figures féminines dont on ne connaît rien, sinon le geste ultime. Des questions jalonnent l’investigation, qui sont tout à la fois celles de ces femmes et celles des quatre comédiens, qui se présentent au public avec une double déclaration : une profonde impuissance devant la débâcle, et un refus d’obtempérer. En écho au non extrême des nombreux citoyens grecs qui, par le suicide, ont quitté un monde où les êtres ne sont plus considérés qu’à l’aune de la rentabilité, leur non artistique passe par toutes les couleurs du jeu performatif. Du rouge éclatant de l’humour décalé aux teintes cendrées les plus définitives, c’est un éventail de non à l’utilité. De l’art comme de la vie.
Si le geste de Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni atteint une telle puissance politique, c’est parce qu’il révèle, par sa découpe, la toile sur laquelle il s’inscrit. Il cielo non è un fondale le radicalise en portant une attention aiguë au phénomène irréversible de la métropolisation des paysages et des modes de vie. Lorsque nous sommes à l’abri, bien au chaud, comment pensons-nous à l’homme qui est là, dehors, sous la pluie ? Dans la lignée d’un Camus qui observait que nous avions troqué notre vie intérieure pour une vie à l’intérieur, le quatuor de performers fouille, habite, explore notre condition urbaine et déniche une question complexe, écologique, éthique, collective. Sans aucun artifice, ils ouvrent un dialogue entre la fiction et le réel, la figure et le fond, l’intérieur et l’extérieur.