Daria Deflorian
Antonio Tagliarini Quasi niente

[Théâtre]

Dans les plis du silence du chef-d’œuvre d’Antonioni dont ils s’inspirent, Le Désert rouge, Daria Deflorian et Antonio Tagliarini écoutent Giuliana, son personnage principal : « Que dois-je faire de mes yeux ? Regarder quoi ? ». Sur ses pas, ils décident de regarder non pas ce qui advient, mais ce qui est là et qu’on ne voit pas, ou plus.

Antonioni ausculte les changements historiques d’après-guerre, qu’il nomme « aliénation ». Aujourd’hui, dans un monde dont l’urgence exige de nous une adaptabilité à outrance, Daria Deflorian et Antonio Tagliarini soulignent la pertinence de cette question du regard pétrifié. Ils dilatent leur zone de prédilection, l’interstice entre la figure et le fond, pour créer un dialogue entre fiction et réel, dedans et dehors, petite et grande histoire. Ils prêtent attention à la splendide femme-enfant qu’incarne Monica Vitti dans la traversée du désert de sa vie. À la manière du film d’Antonioni, la pièce instaure une tension antiréaliste pour dépeindre un monde malade et paradoxal, dans toute sa beauté, qu’on ne sait plus regarder. Tel un fantôme que personne ne peut toucher, ni mari, ni enfant, ni amant, Giuliana erre dans la sordide banlieue industrielle de Ravenne, ici témoin de grèves ouvrières, là contemplatrice du paysage, culminant protagoniste du film. Elle veut voir le vrai et voir vrai, méprisant les rideaux et les grillages. Si Jean-François Rauger parle du regard terrifiant sur l’invisible ou l’inavoué qu’offre Antonioni, il semble que cette quête pure de vérité soit précisément ce que Quasi niente parvient à renouveler dans l’espace du théâtre.
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Durée estimée : 1h40
Spectacle en italien surtitré en français