Maguy Marin Umwelt

[Danse]

L’œuvre de Maguy Marin est de celles qui s’affranchissent des codes et des clôtures formelles pour inventer des formes scéniques où la musique, le texte, le théâtre et la danse se confrontent ou s’interrogent mutuellement. De May B à BiT (présentée l’an passé au Festival d’Automne), chacune de ses pièces pose le corps, la voix, le temps, la scène comme autant de matières à accorder, à tordre ou à entremêler.
En 2003, près de trente ans après sa première création, elle présentait Umwelt, qui reposait les conditions mêmes du spectacle dans toute sa radicalité – plongeant les spectateurs au cœur d’une vision tumultueuse : des corps aux prises avec le temps, luttant avec leur propre image au sein d’un environnement instable et chaotique. Dix ans plus tard, cet ovni chorégraphique n’a rien perdu de sa force de percussion.
Conçue comme un milieu doté de ses propres règles, Umwelt repose sur un dispositif perceptif constitué de portes et de miroirs, d’ouvertures et de fermetures qui organisent le battement de la vision. À l’intérieur de ce cadre mis en vibration par le son amplifié de trois guitares, des corps défilent, apparaissent, disparaissent, amorcent des bribes de situations quotidiennes : brandir un objet, s’étreindre, marcher, manger, disparaître. Cette suite ininterrompue d’entrées et de sorties dresse une galerie d’attitudes, comme une bobine aléatoire glissée dans un projecteur défectueux. Progressivement, la machine s’emballe, coupe, se répète, recommence ; les corps se dédoublent, restant au bord de leur propre existence. Catalogue d’êtres éphémères, « vie mode d’emploi » cherchant à atteindre « l’épuisement des possibles », Umwelt dresse en creux le devenir de notre propre environnement – de sa vanité et de sa fragilité.